jeudi 7 avril 2011

Le digicode

    La porte du 21 était obstinément close. J’avais retourné dans tous les sens les cinq chiffres griffonnés sur un bout de papier : rien n’y faisait. Les fenêtres du quatrième étage étaient fermées, mais sur le balcon du premier je distinguai le bout d’un pied nu et une main qui pendait. Une fille prenait le soleil dans une chaise longue. 
- Pardon, mademoiselle ?...
Elle se redressa. Je vis qu’elle était en maillot de bain. La chaleur avait coloré de rose ses pommettes et ses yeux étaient ensommeillés. 
- Bonjour. Je m’excuse de vous déranger, mais je viens voir un ami qui habite l’immeuble et je n’ai pas le bon code. » Je lui montrai le bout de papier. « Vous pourriez faire quelque chose pour moi ? »
Elle se leva et s’accouda nonchalamment au balcon. Puis d’une voix où traînaient l’ennui et les restes d’une sieste interrompue : 
- Pourquoi vous ne l’appelez pas, votre ami ?
- Mon téléphone n’a plus de batterie.
Elle haussa les épaules.
- Évidemment. 
Les orteils de son pied droit posé sur la rambarde jouaient avec les rayons du soleil.
- Mais comment être sûr que vous venez vraiment voir un ami ?
Je réprimai un mouvement d’agacement.
- Il s’appelle Jérémie, il habite au quatrième.
- Jérémie ? Ca ne me dit rien. Jérémie comment ?
- Ecoutez, je n’en ai aucune idée. C’est un ami, je ne demande pas à tous mes amis…
- On n’a qu’à l’appeler.
Elle se mit à crier : « Jérémie ! Jérémie ! Jé-ré-mie ! » C’était une rue passante, on commençait à se faire remarquer. Elle se retourna vers moi, un fin sourire aux lèvres : « Il n’a pas l’air d’être là, votre ami », et elle s’écarta de la rambarde en pivotant sur la pointe des pieds.
- Comment ça… Bien sûr que si, il est là ! Attendez ! 
Elle s’était faufilée à l’intérieur. Autour de moi, les regards d’abord furtifs s’attardaient. J’entendis alors la voix d’un homme dans mon dos. « On peut vous aider ? » Il mit la main sur la poignée. « Oui ! Je n’ai pas le code et... » « Il n’est pas activé dans la journée. » Et il tint la porte pour me laisser passer. 
texte Eugénie Rambaud

6 commentaires:

  1. Finalement l'assassin habite bien au 21

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  2. La porte était close, mais pas les volets. Ouf (?)
    Exquisite snapshot, dearest !
    @ Dorlotée : je ne suis pas certain de vouloir ouvrir à un inconnu portant un bénouze canari et qui semble, en outre, être complexé par sa kippa.

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  3. @JM: tu n'es pas le seul, apparemment. Serais-tu une fille, tout compte fait? (Thank you, very dear)

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  4. Moi une fille..? Mais bien sûr, allons, tu le sais bien !

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