jeudi 23 décembre 2010

Crillon sur les toits (un conte de Noël)

Pop ! 
Pschhhhh…
Cling !
« Joyeux Noël » dit Eugénie. « Et bonne année ! » fit Dorothea. 
Et l’on aurait juré que la Tour Eiffel, les paupières clignotantes sous le pétillement de ses lumières, souriait. 
Prochain épisode le 6 janvier 2011. Que l’esprit de Paris vous accompagne sur le chemin de croix qui va de la dinde au foie gras. 
A l’année prochaine !

jeudi 16 décembre 2010

Le balcon


      J’habite au 7e étage d’un immeuble de l’île Saint-Louis. On m’envie beaucoup mon 17 m2 sous les toits, surchauffé l’été, glacial l’hiver, et la vue sur la Seine par une unique fenêtre disjointe dont les fissures laissent passer, été comme hiver, le vent, la pluie et le bourdonnement des télévisions. Certains soirs, sur le balcon de l’immeuble qui me fait face, une femme sort pour fumer une cigarette. Elle porte une chemise d’homme qui lui tombe à mi-cuisse, bleue souvent et, quel que soit le temps, les manches roulées sur les avant-bras. Accoudée au rebord ouvragé, elle regarde le ciel gagné par l’obscurité. De temps en temps, quand je relève la tête de ma brosse à laver, je crois surprendre son regard posé sur moi. Mais elle se détourne et fixe le ruban marine de la Seine, avant de disparaître, son mégot jeté sur le pavé.
texte Eugénie Rambaud

jeudi 9 décembre 2010

Première neige



     Depuis le temps que Paul nous vantait les mérites de sa cheminée en plein Paris, nous étions enfin réunis tous les quatre dans son appartement par une glaciale après-midi d’hiver, les doigts engourdis et les joues brûlantes, pour apprendre qu’il nous était interdit de nous en servir. « Il faut la faire ramoner. » Paul a pour les choses pratiques un respect pointilleux. 
« Bon, je vais faire du thé, ça nous réchauffera. » Léa disparut dans la cuisine, tournant le dos à ses grimaces tandis qu’il se mettait en quête d’un liquide plus revigorant. Sylvie s’était approchée de l’âtre froid et, appuyée au manteau de la cheminée, fixait d’un air songeur les bûches disposées pour une flambée. « C’est du vrai bois, tu penses ? » me demanda-t-elle en s’agenouillant. Elle attrapa sur un fauteuil un journal qui traînait, glissa sous les bûches quelques feuilles froissées, tira de sa jupe en tweed vert un petit briquet doré et, avec le même air d’application rêveuse, approcha la flamme du papier. Au premier crépitement, son visage s’éclaira d’une joie enfantine. Paul entra avec le plateau à thé. « Mais !... » Elle haussa les épaules. « Elle tire très bien, cette cheminée. » Dehors, il s’était mis à neiger.


texte Eugénie Rambaud

jeudi 2 décembre 2010

Fausse piste


    J’étais entré dans le bistrot de la gare pour un café. Elle était juchée sur un tabouret de bar, dans une robe légère pour la saison, et à 8 h du matin tenait entre ses doigts un verre à vin, vide. Elle jouait avec le verre en jetant des coups d’œil à l’énorme pendule au-dessus de la porte battante. Je commandai et, tirant une cigarette que je n’allumai pas, suivais les mouvements de sa nuque sous les petits cheveux coupés court. Soudain elle se laissa glisser du tabouret, fit tomber une pièce sur le comptoir et prit la sortie sur la rue, découvrant à côté du verre une petite tasse à expresso. Je finis précipitamment mon café brûlant, fis signe au serveur que je revenais et poussai la porte battante. Sur le terre-plein, un bus refermait ses portes sur sa silhouette rendue imprécise par la vitre teintée. Derrière le bar, le serveur laconique essuyait le verre à vin.
texte Eugénie Rambaud