jeudi 21 octobre 2010

Quai à quai



Je lui avais donné rendez-vous quai de Loire. Elle m’attendait sur le quai d’en face, son téléphone fourré au fond de son sac en mode silencieux. Elle se promenait devant l’entrée du cinéma; je reconnaissais son pas nonchalant, devinais son expression évaporée, de celle qui ne veut pas avoir l’air d’attendre. Je finis par sauter à pieds joints au bord de l’eau pour attirer son attention. Elle me fit un petit signe et grimpa prestement dans la navette fluviale qui partait. Elle se posta à l’avant, s’appuyant des deux mains au bastingage pour se perdre dans la contemplation du canal moiré par le crépuscule. On aurait dit que d’un instant à l’autre, le vent du large se levant, elle allait porter sa main gantée de blanc à son chapeau, et se pencher par dessus la barrière sur les flots noirs de l’océan qu’elle s’apprêtait à traverser, du pont d’un transatlantique, 1920. J’entendais même la corne de brume. Elle sauta à terre avec enthousiasme.

- Vous avez fait bonne traversée ?

- Agitée, la nourriture était détestable et nous avons affreusement dormi.

Sa main à mon bras, nous sommes entrés dans le cinéma.


texte Eugénie Rambaud


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