jeudi 17 février 2011

Le cœur buissonnier


         
 Nos semelles en caoutchouc frappaient le trottoir mouillé. Sami m’avait pris la main, mon sac me battait la hanche, je n’aurai pas besoin de mon cahier de maths, finalement. En bas des escaliers j’ai lâché ses doigts qui glissaient, j’avais un point de côté. Il s’est retourné, il est monté sans rien dire, quatre à quatre. Je me suis accrochée à la rampe. On n’a croisé personne, à cette heure-là les rues sont vides, tout le monde est occupé à faire quelque chose, sortez vos cahiers d’exercices, « Où est passé mademoiselle Dubreuil ? » « Chloé ne se sentait pas bien, m’dame, elle est rentrée chez elle. » Sourires derrière la main, et demain dans la cour les questions. Je sens mon cœur qui bat dans mon ventre. Sami s’est assis en haut des marches, dans ma poche il y a un chewing-gum à la menthe, « au cas où » m’a dit Alice avec son air supérieur qu’elle a depuis, comme si on n’avait pas le même âge, demain j’en saurai autant qu’elle. « Tu veux pas t’asseoir ? »  « J’aime mieux rester debout. » Sur la place il n’y a que des pigeons imbéciles qui picorent entre les pavés. La brume colle au soleil, j’ai le cœur qui fiche le camp, il a mis ses mains sur ma taille. 
Il suffirait de ne pas se retourner. 
texte Eugénie Rambaud

10 commentaires:

  1. Est-ce l'histoire d'un dépucelage imminent ??? Pour une fois, je ne suis pas certain d'avoir chopé ta prose... Réflexion du vieux chieur : es-tu certaine qu'il convient d'écrire "on n'a croisé personne" plutôt que "on a croisé personne" ? Hein ? J'te le demande ? Allez, ça va, fais pas ta sucrée !

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  2. "Il suffirait de ne pas se retourner." Quelle femme n'a pas ce millionième de centième de fraction de seconde gravé dans ses cellules ?!
    Eugénie, suis toute émue!

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  3. @ Béatrice: ça me touche beaucoup...
    @ JM Je laisse Béatrice te répondre, apparemment ta sensibilité féminine t'a fait, pour une fois, défaut... (je fais ma sucrée si je veux)

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  4. oui, merci Eugénie pour cet instant de vie adolescente qui nous fait rêver à nos jeunes années... qui ne datent pas tant que ça !

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  5. HAHA super !
    je retourne en enfance......... Le premier bisou, si horrible!
    Bizou les filles

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  6. @Béatrice@Caroline@Lexie@JM Mansuardi c'est notre petit coeur de fille qui est visiblement plus ému que celui du garçon, là on aimerait avoir un autre avis masculin ;-) ou sinon un avis sur le dessin? merci à vous tous

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  7. l'apnée... on la ressent en lisant votre texte. Et le dessin croque à merveille ce mélange adolescent de décision (le cou), de séduction (les hanches) et d'hésitation (le pied droit)

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  8. @FandeVian ha, génial, merci merciiii, cela fait un grand plaisir !

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  9. C'est vrai ça, y'en a toujours que pour la petite sucrée... Bravo, Dorlothée, pour l'ensemble de vos illustrations et pour celle-ci en particulier qui – effectivement – dessine bien le passage adolescent chez les jeunes filles en fleur (pas encore fânées !). J'aime beaucoup le trait flottant de l'arrière-plan, coups de crayon dont vous ne nous gratifiez pas assez souvent à mon goût !

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  10. @JM Mansuardi oh là je suis gâtée! et vos encouragements sur les croquis de l'arrière plan tombent dans une oreille attentive, j'y travaillerai, promis...merci encore;-)
    (c'est mignon Dorlothée)

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