jeudi 13 janvier 2011

Ligne de fuite



            Elle s’était engagée dans la rue du marché, un sac en bandoulière qui, pensait-elle, ferait bien l’affaire. A chaque étal elle s’arrête, hésite, s’excuse en riant, demande des renseignements. Ses mains folâtrent autour des fruits ; à propos d’un avocat qu’elle tâte du bout du doigt : « C’est encore la saison ? » Les mangues odorantes se vendent deux par deux, elle repose une orange qui dévale la pile. Le maraîcher fronce un sourcil. Une brassée de pivoine lui sourit, un parfum de poulet rôti s’empare de ses souvenirs, samedi midi. A la terrasse où elle s’installe, les clients emmitouflés commandent des cafés serrés. Le contenu des paniers déborde. Elle sirote un expresso en regardant son sac vide avec perplexité. La cuillère tinte contre la porcelaine, deux euros dans le cendrier, elle se lève. Mais la pluie soudain la retient comme elle prend son élan, une averse d’automne qui tambourine sur l’auvent, chasse les odeurs et les passants. « Vous croyez que ça va durer ? »
Une rigole d’eau noire dévale le trottoir, emportant les rayons d’un soleil noyé et son pas décroissant sur le pavé mouillé.
texte Eugénie Rambaud

7 commentaires:

  1. LoVe It!!!
    Mais plus de place sur mon mug ;-)

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  2. J'aime bien le rythme. Enlevé, naturel. Un brin désincarné.... peut-être ? À voir.

    JM

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  3. J'aime ENORMEMENT. Vu ce qui se reflète dans le caniveau, je m'étonne que votre Parisienne ait trouvé des oranges et des avocats, mais j'aime.

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  5. @Léah: une ovation pour notre fan la plus assidue. Tes encouragements sont un vrai soutien, tu sais!
    @JM: le grand retour de mon JM préféré! J'adore quand tu me grattes dans le sens du poil (même désincarné)
    @Anne: merci beaucoup. Vous savez, on trouve bien un grand marché les samedi et dimanche matins avenue du Président Wilson, alors pourquoi pas là?

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