lundi 22 mars 2010

La fugitive


« Lilas ? » On étouffe dans cette pièce. Au premier étage du musée, les fenêtres sont fermées. Où est passée Lilas ? Ça fait un moment qu’elle n’est plus à son bras, pesant de tout le poids de son ennui. Elle a gardé ses lunettes de soleil et s’approche dangereusement d’une statue pour en déchiffrer le nom. « On ne touche pas, mademoiselle ! » « Je ne touche pas, mais on n’y voit rien », marmonne-t-elle. Ses ballerines glissent sur le parquet avec un bruit feutré. « Fugit amor », lit-il sur l’étiquette.

« Par ici, s’il vous plaît. » La conférencière lui jette un regard absent et oriente les visiteurs vers la pièce voisine. Au rez-de-chaussée, pas de Lilas dans le vestibule désert. Pas de garde non plus. Il passe une paume rêveuse sur une cuisse de femme, lisse et fraîche, un petit pied qui tient en entier dans sa main. Lilas à la porte du jardin fait claquer sa robe dans un courant d’air. Il s’avance sans qu’elle l’entende. Le vent court sur sa nuque docile de jeune fille, ses épaules fines, son dos nu. De sa main ballante s’échappe un foulard oublié. Et son visage paisible comme une eau dormante se trouble d’une rougeur dont elle gardera l’équivoque secret.


texte Eugénie Rambaud

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