« J’ai faim. »
La voix de sa fille l’avait tiré d’un sommeil comateux. Assise au bout du lit elle le regardait en suçant son pouce. L’écran du réveil indiquait une heure déraisonnable pour un lendemain de cuite, mais héroïque pour l’estomac d’un enfant affamé. Manque de chance, il faisait beau, le soleil inondait les murs de la cuisine. A travers l’écran protecteur de ses cheveux en bataille, il inspecta le contenu du frigidaire. La petite fille le suivait, pieds nus sur le carrelage, à quelque pas des placards qu’il ouvrait un à un. « Ya rien là-dedans », fit-elle comme il découvrait où se rangeaient les détergents.
« Je saute dans un pantalon et on va au marché. » Sa voix rauque lui rappela les soirées étudiantes, il s’enferma dans la salle de bain. A travers la porte elle cria « Y a pas de marché, c’est mercredi. » Il se dit que sa semaine de père célibataire allait être longue.
texte Eugénie Rambaud