mercredi 21 avril 2010

La promeneuse du Palais-Royal


On l’appelait la promeneuse du Palais-Royal. Tous les jours à la même heure, elle longeait les grilles du jardin, précédée par un fin lévrier. Le trottinement du chien l’annonçait en premier, puis le claquement sec de ses talons sur le pavé. Clic clac, clic clac. « Vous l’entendez ? » Clic clac, clic clac et le tintement léger d’une clochette. « Vous la voyez ? » Pas encore. Mais sous les arcades se détachent avec netteté l’écho de son pas et le grelot qui l’accompagne. Soudain tout se précipite. Un pied d’abord, gainé de noir glissé dans un haut écrin rose, puis un mollet, un genou, une cuisse, une jambe qui semble ne pas devoir finir. Une seconde, aussi longue, aussi noire, le reste du corps en prolongement de cet élan, un buste, des bras sans doute, une nuque, des cheveux coupés très courts, clic clac en trois enjambées sur les traces du lévrier elle disparaît derrière un pilier. « Vous l’avez vue ? » Vous hochez la tête en guettant la grille, espérant, vaguement. Sur votre rétine s’est imprimé un trait de nylon noir, et le scintillement bleuté de

ses yeux – à moins que ce ne soit le collier du chien.

texte Eugénie Rambaud